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Vers une semaine de travail de quatre jours au Luxembourg? Une pétition relance le débat

Photo du rédacteur: Camille ProcureurCamille Procureur

La semaine des quatre jours reste un sujet très clivant, autant du côté des employeurs que des salariés. Photo Shutterstock/ Illustration


Une pétition demande la semaine de travail de 40 heures répartie sur quatre jours. Afin d'y voir plus clair. Virgule a interrogé Camille Procureur, experte dans le bien-être au travail.

Réaliser ses 40 heures de travail hebdomadaire en quatre jours... au lieu de cinq. C'est ce que réclamela pétition publique n°3441. Ouvert à signatures depuis le 13 décembre, elle receuille pour le moment queluque 730 soutiens. Cela représente 16% des 4500 signatures nécessaires pour organiser un débat à la Chambre.


Selon la pétitionnaire Sonia Nejjoum, travailler 40 heures sur quatre jours augmenterait le bien-être des salariés. À condition bien sûr d’adapter cette règle aux réalités de chaque secteur. «Cette flexibilité permettrait de mieux équilibrer vie professionnelle et vie privée, tout en maintenant la productivité et l’efficacité des entreprises», écrit-elle sur le site de la Chambre des députés.

Cette question du bien-être au travail demeure centrale. Selon le rapport «Quality of Work 2023», 83% des employés du Grand-Duché travaillent à temps plein. Ce pourcentage est encore plus élevé chez les 25-34 ans, dont 92% effectuent des semaines de 40 heures.

L’autrice de la pétition met en avant plusieurs avantages, dont le «bien-être accru» qu’induirait cette mesure. «Avoir un jour de repos supplémentaire réduit le stress et la fatigue. Cela signifie des salariés plus motivés, en meilleure santé, et plus productifs», estime-t-elle.

Pour approfondir ces enjeux, Virgule s’est tourné vers Camille Procureur, fondatrice de Workplace Well-Being, une entreprise spécialisée dans le bien-être au travail.


«Offrir à chaque employé un moment de répit»

«Au début, je proposais des massages sur chaise en entreprise, commence Camille Procureur. Il s’agit d’une solution rapide et efficace pour offrir un moment de bien-être sur le lieu de travail. Aujourd’hui, je varie mes prestations pour toucher un maximum d’employés sur des thématiques qui leur tiennent à cœur.» L’experte propose notamment des séances de coaching, de team-building et de gestion du stress.



«Mon objectif est simple: offrir à chaque employé un moment de répit, un instant qui lui est entièrement dédié au milieu de journées souvent chargées. Parce qu’on l’oublie trop souvent, mais prendre soin de soi, c’est aussi mieux prendre soin des autres et de son travail.»


Une productivité moindre

Concernant les débats soulevés par la pétition, Camille Procureur reste mitigée. «Dans le cadre de mon activité, j’échange de manière très régulière avec des dirigeants d’entreprise. Mais nous n’avons pas eu de discussion sur la possibilité de répartir 40 heures de travail sur quatre jours. Ils ne semblent pas intéressés par une telle mesure. Car si le salarié travaille davantage, il sera moins efficace. La productivité va diminuer.»


"Cela reviendrait à travailler 10h par jour, c'est intense. Actuellement les employés sont au bureau huit heures dans la journée et l'épuisement moral ainsi que phisique se fait déjà sentir."

Camille Procureur

fondatrice de Workplace Well-Being


Camille Procureur insiste sur la position particulière du Grand-Duché. D’après l’Adem, environ 75% de la main-d’œuvre du pays est composée de travailleurs immigrés ou frontaliers. «Les frontaliers, qui viennent de France ou de Belgique, font la route chaque matin pour venir travailler au Luxembourg. Les temps de trajets sont plus ou moins longs et se rajoutent à leur activité professionnelle.»


Le télétravail entre aussi dans l’équation. «La possibilité d’une semaine de quatre jours intéressera d’office plus les salariés. Ils peuvent faire leurs dix heures de travail en télétravail. Il s’agirait d’une solution plus pratique. Et proposer un jour de pause supplémentaire permettrait au pays de rester attractif. Dans un marché comme celui du Luxembourg, où la concurrence est forte, cela peut faire la différence.»


«Tout compte fait, la semaine de quatre jours fait rêver, ajoute-t-elle. À première vue, elle semble répondre à un besoin d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Mais comme dans tout, la réalité est plus complexe.»


Une conciliation entre travail et vie privée

Si l’experte ne semble pas convaincue par la possibilité d’effectuer les 40 heures en quatre jours, elle souligne néanmoins un avantage indéniable. «L’employé aura le droit à une journée de pause en plus. Et, justement, notre vie est plus rythmée qu’il y a 10 ou 15 ans. Maintenant, nous faisons plus d’activités et de sorties à côté de notre emploi.»


«La nouvelle génération est ainsi à la recherche d’un équilibre entre vies professionnelle et privée. Avant, le salarié projetait sa carrière dans une seule et même entreprise. Maintenant, on parle plus de faire des voyages, des sorties extraprofessionnelles. De ce point de vue-là, je constate un changement de mentalité depuis une dizaine d’années.»

Concernant cet équilibre, la pétitionnaire Sonia Nejjoum insiste sur une meilleure «conciliation travail-vie privée». Selon elle, «une journée [de repos] en plus permet de mieux s’occuper de ses enfants, de ses loisirs et de ses engagements personnels.»


Une vie familiale bouleversée

Pour Camille Procureur, travailler un jour de moins dans la semaine serait caduc. «Certes, les parents pourront s’occuper de leurs enfants le jour où ils ne travailleront pas. Mais s’ils travaillent 10 heures par jour, ils n’auront pas le temps de les chercher à l’école, ou de leur préparer à manger le soir. C’est un peu comme manger une tablette de chocolat en une fois: on en profite intensément sur le moment, mais on perd le plaisir des petits carrés savourés au quotidien.»

Pour garantir un réel bien-être, l’entrepreneure évoque la possibilité de travailler quatre jours à raison de huit heures quotidiennes. «Cela constituerait une bonne alternative, à la fois pour les recruteurs et les employés, réfléchit-elle. Exercer un métier dix heures par jour, qu’il soit physique ou intellectuel, reste très difficile. Le maître mot, c’est l’équilibre. Or, celui-ci n’est pas là lorsque l’on travaille trop. Le surmenage n’est jamais une bonne idée.»


"La semaine de 4 jours, c' est une idée à explorer, mais elle doit rester une option, pas une obligation"

Camille Procureur

fondatrice de Workplace Well-Being


Si une société décide néanmoins de se lancer dans la semaine de 40 heures en quatre jours, Camille Procureur lui livre un conseil. «Il faut impérativement rester à l’écoute des employés. Cette nouvelle règle pourrait convenir à un certain nombre de personnes, mais d’autres seraient contre.»


«La semaine de quatre jours, c’est une idée à explorer, mais elle doit rester une option, pas une obligation. Ce qui compte, c’est de permettre à chaque employé et à chaque entreprise de trouver ce qui leur convient le mieux», termine-t-elle. Reste à savoir si ce modèle saura s’adapter aux spécificités des travailleurs du Luxembourg.


Journaliste indépendante

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